Au-delà de la sortie fracassante de Toubon, cette décision met le doigt sur qq chose de fondamental, l'utilisation de la privation de liberté temporaire comme outil de maintien de l'ordre, des petites mesures qui bout à bout dégradent les relations avec la police. Explications
https://twitter.com/nicolaschapuis/status/1281454825960550401

C'est bcp moins violent qu'un tir de LBD, une grenade de désencerclement etc. Mais c'est une expérience qu'ont fait des milliers de manifestants et qu'ils n'ont pour la plupart pas compris, ayant l'impression (à juste titre souvent) d'être privés de leur liberté de manifester.
Le Défenseur des droits fait la liste de ces "techniques", qui à la base sont juste des manoeuvres policières ou des facilités de procédure, mais qui sont devenus, pour des policiers confrontés à des manifs très dures à gérer des véritables outils de régulation des flux.
Le DD pointe notamment l'encagement, qui peut durer plusieurs heures. Concrètement, de manifestants qui n'ont rien fait ne peuvent pas défiler librement. On voit là la différence de perception : la préfecture assure qu'ils laissent tjs une voie de sortie (filtrée pour éviter les
départs en cortège sauvage). Mais quasi systématiquement, les manifestants ont l'impression qu'il n'y a AUCUNE voie de sortie. Pour avoir été au milieu de ces manifs on se sent assez vite piégé. Il y a donc une incompréhension qui se crée et un ressentiment qui grandit.
Autre exemple de mesure qui vise en réalité à écarter du cortège des gens sans cadre légal : les contrôles délocalisés. On emmène les gens au poste pour contrôler les identités. Ca prend du temps et souvent qd ils sortent la manif est finie. Ils ont donc été privés de leur droit.
A l'origine, c'est une question tactique : compliqué de contrôler tout un groupe sur le terrain, on embarque pour simplifier l'opération. Sauf que c'est interdit : on ne peut procéder au contrôle délocalisé qu'en cas de refus ou d'impossibilité de présenter une pièce d'identité.
Autre privation de liberté, temporaire mais plus grave, l'utilisation massive de la garde à vue et la judiciarisation du maintien de l'ordre grâce à la loi sur la participation à un groupement en vue de commettre des dégradations... mais c'est un sujet en soi.
Un autre exemple : les interpellations de groupe. La police ramasse tout un groupe, du coup au commissariat les vérifications vont durer très longtemps. Ceux qui n'ont rien fait et vont ressortir libres le font après plusieurs heures. Là encore la manifestation est finie.
Prises une à une ces mesures ne paraissent pas aussi disproportionnées que l'utilisation des LBD. Elles peuvent même parfois s'expliquer d'un point de vue tactique ou procédural. Mais elles ont touché énormément de citoyens.
Des citoyens qui pour une grande partie d'entre eux étaient simplement venus manifester et qui sont repartis avec le sentiment d'avoir été privés de leurs droits et une image dégradée de la police.