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[THREAD] En cette période de Noël qui se prépare, on a eu l'envie de vous raconter le premier Noël des jeux vidéo en France, tel qu'il nous est apparu dans l'écriture d'Une histoire du jeu vidéo en France, à travers ce qu'en dit la presse de l'époque.
Bienvenu en décembre 1977.
![[THREAD] En cette période de Noël qui se prépare, on a eu l'envie de vous raconter le premier Noël des jeux vidéo en France, tel qu'il nous est apparu dans l'écriture d'Une histoire du jeu vidéo en France, à travers ce qu'en dit la presse de l'époque.Bienvenu en décembre 1977.](https://pbs.twimg.com/media/Eo9w8zhXMAMbGU0.jpg "[THREAD] En cette période de Noël qui se prépare, on a eu l'envie de vous raconter le premier Noël des jeux vidéo en France, tel qu'il nous est apparu dans l'écriture d'Une histoire du jeu vidéo en France, à travers ce qu'en dit la presse de l'époque.Bienvenu en décembre 1977.")
Bienvenu en décembre 1977.
Le marché français voit l'arrivée des périphériques domestiques de type Home Pong à partir de 1975. Ceux-ci permettent de jouer à la maison sur l'écran de télévision. Le premier à atteindre l'Hexagone serait le Home T.V. Game, un modèle de conception britannique.
Dans son article du 22 décembre 1977 « Les jeux télévisés dernier gadget à la mode », la journaliste du Figaro Michèle Bietry écrit : « Le premier télé-jeux “domestique” est arrivé sur le marché au printemps 1975. De fabrication anglaise, il était commercialisé par Vidéo-Master »
« L’Allemagne suit à la fin de l’année. Les ventes sont très faibles, les boîtiers sont laids, les jeux ne sont pas sonores, l’affichage n’existe pas, les commandes ne sont pas très pratiques. Et il faut débourser 1200 francs. » Une description pour le moins peu enthousiaste...
D'autant que selon le convertisseur de l'Insee calculant le pouvoir d'achat d'une somme d'une année à l'autre en prenant en compte érosion monétaire et inflation, ce montant de 1200 francs de 1975 équivaudrait aujourd'hui à environ 856 euros ! Un confortable tarif de next-gen.
On est alors très surpris de trouver dès 1974 dans un catalogue de Noël du BHV, le « T.V. Tennis ». Présenté comme « le jouet de l’année », il s'agit d’une petite télévision en styrène orangé ou vert – terre battue ou gazon – fabriquée par Marx Games permettant de jouer à Pong !
Mais surtout son prix n'est que de 275 francs ! Ce tarif extrêmement bas s’explique par l’absence d'électronique : le T.V. Tennis n’est qu’un simple jouet qui reproduit la partie de Pong grâce à des leviers, un moteur électrique et une ampoule éclairant l’écran par transparence.
L’illusion de la partie de Pong est réussie, mais le dispositif, lui, reste entièrement mécanique. La présence de ce jouet au catalogue d’un grand magasin parisien confirment cependant le succès grandissant des bornes de type Pong exploitées en France depuis l’été 1973.
Des entreprises, importateurs et fabricants, commencent à fournir le marché français et écoulent ainsi près de 16 000 unités dès 1976. Une bonne moitié est manufacturée en Europe, une petite en France et le reste en Asie du Sud-Est. La vague se prépare...
À Noël 1976, les grands magasins parisiens sont rapidement en rupture de stock, comme on peut le lire dans L’Express : « En décembre, les magasins ont été dévalisés. “Nous avons vendu quatre-vingt-dix jeux en une semaine. Le 19 décembre, nous avions épuisé notre stock”...
...raconte Mme Michèle Bleustein-Blanchet, présidente de la société des Drugstores [Publicis]. Même écho à la Fnac, aux Galeries Lafayette : “Si seulement nous avions pu prévoir un tel rush !” Importateurs et distributeurs ont péché par excès de prudence »
![...raconte Mme Michèle Bleustein-Blanchet, présidente de la société des Drugstores [Publicis]. Même écho à la Fnac, aux Galeries Lafayette : “Si seulement nous avions pu prévoir un tel rush !” Importateurs et distributeurs ont péché par excès de prudence »](https://pbs.twimg.com/media/Eo9ygTjXUAAu1Vx.jpg "...raconte Mme Michèle Bleustein-Blanchet, présidente de la société des Drugstores [Publicis]. Même écho à la Fnac, aux Galeries Lafayette : “Si seulement nous avions pu prévoir un tel rush !” Importateurs et distributeurs ont péché par excès de prudence »")
Mais c'est en 1977 que le volume de machines vendues sur le marché français explose avec 300 000 exemplaires commercialisés. Plusieurs marques d’électronique grand public, comme Philips, Thomson-Brandt ou Pizon Bros., investissent le marché à l’approche des fêtes de Noël 1977.
Certains fabricants de télévision intègrent directement un module de type Home Pong au téléviseur pour un surcoût de 250 francs. Chez ITT-Océanic, cette ingénierie est réalisée par un laboratoire de l’entreprise basé à Romainville. Une décision venue non des ingénieurs...
...mais bien des commerciaux de la société, selon Claude Thévenin, ingénieur au sein de ce laboratoire à partir de 1972. « Une manière de tirer l’ensemble de la gamme des téléviseurs vers le haut » pour Jean-Jacques Priou, ancien directeur des ventes d’ITT-Océanic.
Cependant, ces téléviseurs essuient un relatif échec commercial et ne feront l’objet que d’une unique série.
Selon Daniel Aillet, ancien chef de service d’Océanic, deux raisons pour expliquer cet insuccès : « Un téléviseur sert à regarder des images, et non pas à jouer ; il est impossible de décrocher les enfants quand ils s’approprient le téléviseur. »
L’année 1977 marque donc un pic très fort dans la distribution – 48 modèles différents distribués en France pour la seule année 1977 – et la vente des consoles Home Pong. La présence de certaines marques françaises sur ce marché peut ainsi surprendre.
C'est le cas de SEB, fabricant davantage connu à l’époque pour ses cocottes-minute que son expertise dans l’électronique. Cette présence ne surprend pas outre mesure l'Inter Électronique qui souligne que « l’électronique grand public de grande diffusion, c’est avant tout...
...du montage de composants sur un circuit imprimé que l’on peut, le cas échéant, sous-traiter, et du moulage de boîtiers plastiques. Il n’y a rien d’étonnant à ce que Seb l’ait compris et ait sauté le pas »
En effet, si le sigle SEB signifie Société d’emboutissage de Bourgogne, l'entreprise s'est diversifiée dans les années 1970 dans le domaine du thermoformage des matières plastiques idéales pour des coques de grilles-pains, de robots ménagers ou... de console électroniques.
Les pouvoirs publics s’inquiètent cependant de la part importante prise par les importations asiatiques au détriment de la production nationale. La réponse pour contrer ces « nouveaux envahisseurs » ne se fait pas attendre et relève d'une mesure protectionniste.
Avec un soupçon d’ironie et de fausse naïveté , Le Nouvel Observateur s'étonne à l'automne 1977 : « Comme par hasard, le 3 octobre dernier, le gouvernement a décidé de soumettre les “jeux” importés aux mêmes impératifs techniques que le matériel français.
(...) Il paraît que la fréquence élevée de certains appareils étrangers perturbe, dans le voisinage, la bonne réception des pro- grammes... » Ainsi s'impose aux fabricants la norme NF C 91-110 « jeux électroniques visualisés (jeux vidéo – caractéristiques et valeurs limites) »
À l’approche de Noël 1977, les quotidiens et les hebdomadaires d’actualité français consacrent de nombreux articles aux jeux vidéo, titrant sur « la tourmente des jeux vidéo » (Le Point), « les envahisseurs électroniques » (Le Nouvel Observateur)...
« les jeux de la quatrième chaîne » (Le Monde) « les vedettes de cette fin d’année » (Paris Match) ou sur « les derniers gadgets à la mode » (Le Figaro, Le Quotidien de Paris). Et, à en croire Le Nouvel Observateur, c’est à un nouveau raz-de-marée auquel il faut s’attendre...
...pour les fêtes de fin d’année : « Depuis le début de l’année, on tâte le terrain avant la grande offensive. Cent mille appareils vendus, déjà, à des particuliers. À peine un prélude... “Nos premiers stocks ont été liquidés en quelques jours, dit la FNAC.
Nous vendons près de trois cents appareils par mois. C’est la ruée qui s’annonce.” » Comme l’écrit Audio magazine, « les détaillants y croient » voyant d’abord dans la console un facteur d’animation du magasin : « Par la place qu’il occupe dans les vitrines, le jeu-vidéo...
...s’est acquis les faveurs des commerçants s’il n’a pas encore conquis les consommateurs. Pour les revendeurs de TV, c’est un nouveau moyen d’animer le magasin. Une banale émission de TV ne retient plus l’attention du chaland. »
« Tout nouveau tout beau, le jeu vidéo l’attire quelques instants. Et cela suffit pour qu’il porte, en même temps, son regard sur les autres articles exposés. »
Une fois le matériel acheté, le consommateur doit souvent affronter seul l’installation de la console sur le poste familial qui ne possède, à l’époque, que l’entrée coaxiale de la prise antenne. La presse professionnelle s’amuse ainsi des déboires des familles...
...incapables de faire fonctionner correctement leur nouvelle acquisition sans l’aide d’un radioélectricien : « Il y a belle lurette que M. Valduran a cassé le train électrique de son fils. Pour se racheter et sacrifier au modernisme, il a offert un vidéo-jeu à son noble rejeton.
[M. et Mme Valduran] ont remis à leur fils une boîte magnifique. Ils n’ont demandé aucun renseignement, pensant que l’utilisation était facile : un jouet, vous imaginez bien que cela doit être à la portée des enfants. À l’ouverture de la boîte, ce ne fut pas si simple.
Ensemble, on s’attela à la lecture de la notice, rédigée en anglais et en français, bien illustrée, et on s’aperçut qu’il fallait mettre des piles... Diable ! Mais comment se raccorder au téléviseur ? “Débranchez votre antenne et raccordez le fil muni d’une fiche coaxiale...
...sortant des jeux, à la prise antenne du récepteur”, indiquait la notice. Ce qui fut fait, Téléviseur en marche. 1, 2, 3... Rien ! Cependant les vidéo-jeux sont en marche, et le petit haut-parleur donne déjà les échos du rebond de la balle sur les raquettes de tennis.
Et Valduran fils s’impatiente ! Une analyse plus affinée de la notice, une énorme inscription sur l’emballage “Appareil fonctionnant sur le canal 36” font comprendre à M. Valduran que, bien sûr, tout comme un émetteur, les jeux utilisent une longueur d’onde.
Et l’on continue à tourner en rond. M. Valduran n’a pas su régler une des positions du récepteur sur le canal 36. Pourtant sa notice était très claire... Très claire, mais pour un technicien habitué ! Et puis, tous ces réglages se trouvent sur de petits boutons...
..placés dans un tiroir, ou derrière une plaquette. “Tabou !” Le radioélectricien n’a-t-il recommandé (et il a bien raison) d’y toucher le moins possible ? Bref, il fallut attendre le lendemain de Noël pour que l’homme de l’art vienne faire les réglages nécessaires. »
Tout et plus encore à retrouver dans le troisième chapitre d'Une histoire du jeu vidéo en France. 1960-1991 : des labos aux chambres d'ado, chez Pix'n Love co-écrit avec Guillaume Montagnon et disponible ici : https://www.editionspixnlove.com/accueil/889-une-histoire-du-jeu-video-en-france.html
Et d'autres threads qui donnent un bel aperçu du bouquin :
Paul Braffort : https://twitter.com/AlexisBlanchet/status/1262298809197043713
Un Atari à la française ? : https://twitter.com/AlexisBlanchet/status/1265926139152924673
L'arrivée de Pong en France : https://twitter.com/AlexisBlanchet/status/1280419040796782592
Paul Braffort : https://twitter.com/AlexisBlanchet/status/1262298809197043713
Un Atari à la française ? : https://twitter.com/AlexisBlanchet/status/1265926139152924673
L'arrivée de Pong en France : https://twitter.com/AlexisBlanchet/status/1280419040796782592
Et Joyeuses Fêtes de fin d'année :-)
